2014-02-18

Crise de la presse: l'analyse erronée de la situation

Les décideurs historiques autant que les journalistes réfractaires au digital ont commis de graves erreurs d'appréciation au moins à deux niveau: d'une part la vision d'un "ogre" Internet qui devait cannibaliser la presse (ce qui n'est pas sans rappeler les analyses de gros cabinets de conseil au début des années 2000 sur la "disparition inéluctable" des agences bancaires) et, d'autre part, l'idée d'une concurrence frontale dans un jeu à somme nulle où les gains du numérique seraient fondés sur les pertes du papier.
Au-delà du caractère profondément erroné de l'analyse stratégique, il semble impossible aux acteurs de la presse de concevoir ne serait-ce que le concept de design d'expérience utilisateur, qui est un élément stratégique de leur mission actuelle, qu'ils le veuillent ou non. Du coup, ils sont aussi dans la grande incapacité de regarder le monde avec les yeux de leurs lecteurs, à regarder autre chose que leur nombril car c'est sans doute le seul métier sur la planète qui envisage sa mission professionnelle sous l'angle de la "monétisation de l'audience".
Non, mesdames et messieurs, votre mission n'est pas de monétiser l'audience, monétiser l'audience n'est pas un objectif stratégique. Ce n'est pas votre coeur de métier pas plus ce n'est le coeur de métier d'un taxi de "monétiser" la population des piétons d'une ville; la mission d'un taxi est d'offrir un service de transport personnalisé à des conditions acceptables. La vôtre (si vous l'acceptez) est de nous fournir le contenu le plus clair, le plus vérifié, le plus pertinent, le plus qualitatif possible en garantissant une impartialité totale dans le traitement de l'information (ce qui passe aussi par le fait de bien vouloir nous dire quand vous publiez un article dithyrambique sur une société appartenant à vos actionnaires). Non, vous n'êtes pas en concurrence avec les diffuseurs de contenus gratuits pas plus que Canal+ n'était en concurrence avec TF1 à son lancement (et encore aujourd'hui). Par contre, vous faites un bien mauvais travail d'explication et de vente de votre salade.

2014-02-17

Crise de la presse: ce que révèle le cas Libération

Depuis plus d'une décennie la presse papier est mise sous pression comme jamais auparavant: désaffection des annonceurs publicitaires, structure de coûts souvent jugée trop monolithique, multiplication de contenus de qualité gratuits sur Internet et, en fin de compte, une réelle difficulté à pérenniser les entreprises de presse.
Or, ces entreprises ont ceci de particulier qu'elles sont des vecteurs essentiels au bon fonctionnement de l'espace partagé de tous, que ce soit sur le terrain politique où elles fluidifient le débat démocratique, sur la culture qu'elles rendent visible et accessible ou sur l'économie qu'elles décodent dans toute son incroyable complexité.
Bien des choses ont été dites et écrites sur les mutations des médias et la viabilité de la presse en particulier, mise à mal dit-on par les "nouvelles" technologies de l'information et de la communication. Mais les professionnels du secteur ont-ils le bon angle de vue? Pour qui est intéressé par les défis de la transition vers le numérique non seulement au niveau du coeur de métier, mais aussi au niveau des entreprises et de leur gestion, la presse "papier" offre un cas d'école qui mérite d'être examiné avec une certaine attention.

2014-02-11

Capital de marque et contenu

De récentes séances de travail sur de la création de marques, sur du contenu de marque ainsi que sur la manière 'exploiter une marque média sont à l'origine de ce billet. Pourquoi une marque produit-elle du contenu et pourquoi un média utilise-t-il du contenu? Quels transferts s'opèrent entre capital-confiance dont dispose une marque et crédibilité des contenus diffusés? Pourquoi les médias traditionnels échouent-ils depuis des années?

2014-02-08

E-commerce: impulsif à chaque image

D'après une info récemment parue dans la presse, la start-up anglaise ASAP54 aurait levé plus de 3 millions d'Euros pour poursuivre le développement et la commercialisation de son application pour smartphones.
Cette application permet à ses utilisateurs d'identifier les vêtements et produits que le consommateur voit sur des photos au fil de ses lectures de journaux et de magazines  et de ses pérégrinations en ligne sur des blogs, des sites de déco ou de mode, des réseaux sociaux hyper visuels comme Instagram ou Pinterest. La vidéo suivante donne une bonne idée des principaux aspects de l'application.

ASAP54 from ASAP54 on Vimeo.

L'application ASAP54 a la capacité de traiter l'image pour identifier, sur base d'informations additionnelles données par l'utilisateur, le produit choisi et proposer des produits similaires que ce dernier pourra facilement acheter en ligne.
Au niveau des fonctionnalités, ASAP54 semble avoir une ambition de devenir un réseau social d'amateurs de mode, de déco et de style, avec notamment la possibilité pour les utilisateurs de publier des collections d'objets qui les ont inspirés et de voter pour les collections des autres utilisateurs. Le degré d'intégration avec Facebook, au-delà du sign-in, n'est pas connue, mais il est probable que les concepteurs de l'application utilisent au maximum la plateforme pour faire connaître leur produit.
En dehors du business model évident de l'affiliation, cette application pourrait également représenter un tournant dans la manière de laquelle les amateurs de mode s'inspirent, achètent et alimentent les tendances.

2014-02-01

Service (re)design impératif chez MediaMarkt.be

Simple et modeste examen de quelques aspects choisis du service e-commerce de MediaMarkt en Belgique. Quelques unes des plus grosses erreurs de mise en place de campagne digitale ainsi que des défaillances de conception du site sont illustrées ici. C'est assez surprenant de voir ce genre de choses dans une entreprise de bonne taille, dont l'ambition devrait être cross-canal, mais c'est aussi une bonne illustration de la difficulté qu'il y a pour une entreprise établie de se réinventer et de prendre le virage du digital. Pour être un acteur crédible de la distribution omnicanal il ne suffit pas de déployer un site web, quand bien même celui-ci serait bien designé; ça implique bien plus en termes de fonctionnement interne, de culture, d'outils, de compétences et de transition de business model.


Le pivot: stratégiquement crucial

L'adoption accélérée de méthodes dites "lean" ou "agiles" observées ces dernières années dans le domaine du lancement et du développement de nouvelles entreprises pose de nouveaux défis aux dirigeants de start-ups et d'entreprises plus établies. Elle les expose notamment à de nouvelles options stratégiques, comme le "pivot" dont la nature est souvent mal comprise dans les entreprises. Il est vrai que "pivot" semble plus positif que "restructuration du modèle économique" ou "changement de stratégie", alors même qu'il s'agit là de deux aspects essentiels du pivot. Les principaux défis que l'on rencontre dans ce type de situations sont les suivants:

  1. la bonne compréhension et l'adhésion des ressources internes au nouveau modèle
  2. la communication avec le marché
  3. une transition du modèle historique vers le modèle résultant du pivot sans déperdition de clientèle, sans hiatus dans le service et en faisant attention à bien préserver les interfaces en place avec ceux des écosystèmes qui restent pertinents après le pivot
Dans les entreprises de plus grande taille, le "pivot" s'apparente plus à un mouvement de tectonique des plaques. La nature et la dimension des impacts à prendre en compte sont autrement plus critiques, alors que paradoxalement c'est ces entreprises plus établies qui peuvent avoir le plus besoin de se redéfinir rapidement. Dans ce type d'entreprises, se posent les questions de la gestion du changement, de la formation, des recrutements et licenciements qu'implique la transformation de l'activité...etc.
Dans ce billet, nous voulons vous proposer une très belle présentation (en anglais) de ce qu'est le pivot et dans de prochains billets nous reviendrons sur:

  1. un exemple de transition mal gérée chez GetGlue, qui est devenu tvtag
  2. un retour d'expérience d'une entreprise établie qui devait se réinventer